En ma qualité de directeur de maison de retraite, je suis très touché par l’engagement, la patience et toutes les autres dispositions de cœur que j’observe tous les jours chez mes collaborateurs. En même temps que je me fais souvent du souci quant aux multiples difficultés qu’ils rencontrent régulièrement dans leur travail.
Je me propose donc de relater ici quelques pratiques simples et concrètes que j’ai mises en place dans mon institution de manière à favoriser chez eux l’aptitude à accéder à une meilleure conscience de leur état interne, et, partant, à mieux composer avec la pénibilité associée à leur activité.
La première de ces pratiques porte le nom de courts moments de silence et d’immobilité. C’est la première chose que nous faisons le matin à 7h00, en introduction de ce que nous appelons la remise de service, ce moment où, tous réunis, nous commençons notre journée par les informations générales données par le personnel infirmier, suivi du rapport de la veille présenté par le service de nuit. Ces moments de silence et d’immobilité font donc suite à la première petite agitation du matin (se lever, se préparer, se rendre au travail, …) et ils ont pour but de nous aider à retrouver une certaine tranquillité intérieure qui nous a souvent déjà quitté.
Comme son nom l’indique, cette pratique consiste à rester confortablement assis, silencieux et immobiles, pendant une vingtaine de secondes ; elle peut se dérouler les yeux ouverts ou les yeux fermés, à la convenance de chacun, et n’a aucune vocation religieuse ou mystique ; elle est aussi strictement facultative.
Cette pratique du silence et de l’immobilité peut s’accompagner d’une deuxième pratique nommée la petite météo intérieure. Souvent, au réveil, nous prenons connaissance du temps qu’il fait, ne serait-ce que pour savoir comment nous habiller. La petite météo intérieure consiste à se poser la question de savoir comment nous allons, comment nous nous sentons ce matin-là. De deux choses l’une, soit l’on se porte bien, soit l’on éprouve une petite gêne (inconfort physique) ou une légère préoccupation (incommodité psychique). Dans le prolongement direct de la pratique de la petite météo intérieure, il est possible d’associer une troisième activité appelée pratique de la gratitude.
En l’occurrence et lorsque l’on se sent bien, il est préconisé de le ponctuer par un « Oui ! Merci ! » intérieur, pour marquer consciemment le bien-être éprouvé. Et, en présence d’une gêne ou d’une préoccupation, il est recommandé de chercher ce qui va bien dans nos vies, en dépit de l’inconfort éprouvé (le demi-verre plein qui se cache derrière le demi-verre vide). Et, une fois identifiés des motifs de satisfaction - qui sont généralement multiples - il est aussi possible de le souligner aussi par un « Oui ! Merci ! ». Cette expression de gratitude s’exprime intérieurement à qui l’on veut : la vie, le ciel, Dieu, …
A noter que les trois courtes pratiques qui viennent d’être décrites peuvent prendre place à n’importe quel autre moment de la journée, en particulier lorsque l’on commence à se sentir stressé ; elles n’ont pas pour effet de supprimer toute pénibilité, mais, expérience faite, elles permettent d’en passablement diminuer l’intensité.
De l’avis de mes collaborateurs, ces diverses pratiques, qu’elles soient prises séparément ou combinées, procurent un réel bien-être, même si celui-ci est éphémère. Et, du fait qu’elles sont appliquées tous ensemble, elles contribuent à créer le sentiment d’une unité entre nous.
Toujours dans le but d’accéder à une meilleure présence à soi-même, nous avons introduit une autre astuce dite pratique de la photo rappel. Il s’agit d’une petite photo, comme celle qui se trouve ci-contre, que nous plaçons sur la porte d’une personne très malade ou en fin de vie pour nous obliger à un petit arrêt avant d’entrer dans cette chambre de manière à être moins dispersé et plus concentré sur ce qui s’y passe.
Cette photo est donc bien un rappel pour chacun que ce qui se déroule dans la chambre en question requiert notre meilleure attention possible.
Quel touchant témoignage !
Merci de nous montrer cette magnifique préparation des soignants pour intervenir auprès des pensionnaires. Il est certain que c'est jouer "gagnant-gagnant" pour les deux parties.
Bonjour,
Je ne suis pas dans le monde médicale.
Mais je tente tous les matins cette présence à moi-même, avec cette "météo intérieure".
Quand à la pratique de la gratitude, elle se fait devant la glace et concerne plutôt mon corps avec lequel je vais traverser cette nouvelle journée.
Il est indéniable que cela permet d'améliorer petit à petit notre comportement, et de vivre des journées plus harmonieuses.
A cela, nous pouvons également y ajouter une auto mesure de nos journées, le soir en nous couchant.
Merci Philippe pour ce témoignage.